Juste avant la Grande Catastrophe, les habitants d’Europe de l’Est et de Russie se réfugièrent dans des abris souterrains afin d’échapper à la guerre imminente. Bien évidemment la totalité de la population ne put se mettre à l’abri, seuls quelques privilégiés évitèrent l’apocalypse. Ils furent relativement épargnés par les bouleversements climatiques et sismiques, même si certains abris se retrouvèrent tout de même disloqués ou inondés. Mais surtout, leur territoire avait été massivement bombardé et la radioactivité en surface rendit toute vie impossible en dehors des abris. Ainsi ces peuples s’organisèrent à une vie souterraine définitive.
Durant des siècles, ces populations creusèrent pour agrandir leurs territoires enténébrés. Les galeries relièrent vite les abris entre eux, pour partir ensuite dans toutes les directions. Pour s’alimenter, les habitants apprirent à cultiver des champignons et des racines et à élever rats et insectes, qui eux pouvaient encore aller à la surface dans certaines zones pour se nourrir, voir rapporter des graines et autres fruits secs faiblement radioactifs. Le charbon fossile et les poches de gaz fournirent un carburant précieux pour l’éclairage et l’énergie.
Après quelques siècles dans ces conditions difficiles, on constata parmi certaines couches de la population, notamment chez les mineurs et les ouvriers de terrassement, des changements morphologiques : diminution de la taille, élargissement de la corpulence, nyctalopie, meilleure longévité. Comme ces ouvriers restaient beaucoup entre eux et n'avaient que peu de rapports avec les autres castes, ces traits s'accentuèrent avec le temps. On put alors voir émerger dans les abris une nouvelle espèce d'être humains qui se baptisèrent eux-mêmes Klumpf, ce qui signifie à peu prêt "dur à la tâche" dans notre langue.
La société dans les abris s'organisait donc par castes, dans un système pyramidal. Au sommet se trouvait les Gardiens, qui régentait la vie sous terre et veillaient à la conservation du savoir. Puis venaient par exemple les dresseurs et les mycologues, les castes de fournisseurs de nourriture. En dessous on trouvait les artisans et les scientifiques. Enfin, tout en bas, les ouvriers, les mineurs et les artistes. Il est à noter que le sexe n'avait pas d'importance, seul le lignage déterminait l'appartenance à telle ou telle caste. Ainsi l'expérience se transmettait de générations en générations, ainsi que les gènes, ce qui accentua encore plus les nouvelles disparités raciales. D'ailleurs, plus une caste était basse dans la hiérarchie, plus la taille moyenne de ses membres l'était aussi.
À la fin de la période de glaciation, vers 1300 PGC, le peuple des abris constata que la vie en surface était à nouveau possible. Comme ils se sentaient à l'étroit dans leurs tunnels et que les castes supérieures vouaient un dégoût non dissimulé pour leurs cousins difformes des castes inférieures, les Gardiens décidèrent de mener leur peuple vers la lumière du soleil. Les Klumpf bâtirent les cités de la nouvelle nation Ursia. Le système des castes fut chamboulé, étant donné que de nouveaux rôles et de nouvelles priorités étaient à l'ordre du jour pour cette nouvelle vie. Les Gardiens restèrent à la tête du pays bien entendu, mais de nouvelles castes firent leur apparition.
Ursia était isolée du reste du continent par les steppes gelées, si bien que le premier contact avec d'autres humains se fit avec des nomades — qui se faisait appeler Tatanka — vivant également sur ces terres désolées. Les Urs humains étaient pâles et frêles, leurs cousins Klumpf étaient petits et massifs et tout Urs quel qu'il soit avait une pilosité faciale développée, alors que les Tatanka avaient la peau sombre, une musculature sèche et semblaient imberbes. Et que dire des mystérieux hommes-bêtes que l'on apercevait parfois de loin avec eux ? Les scientifiques Urs furent fascinés par ses différences et décidèrent de les étudier dans une nouvelle branche : la génétique. Les ressources découvertes dans les sous-sols permirent également aux alchimistes de faire des découvertes très intéressantes. Ces nouvelles vocations attirèrent autant de Klumpf que d'humains.
En 1475, une expédition fut lancée au travers des steppes pour aller à la rencontre du reste du monde, tant les Urs avaient soif de découvertes. Cette entreprise était essentiellement constituée de Klumpfs épris de liberté et de scientifiques. C'est ainsi qu'Ursia se fit connaître du tout jeune empire Rodéen. Les Klumpfs de l'expédition se sentirent d'ailleurs valorisés, car ils ne suscitaient pas la moquerie mais seulement une certaine curiosité. D'autres missions furent lancées, durant lesquelles les Urs partagèrent certaines connaissances scientifiques qu'ils avaient conservées dans leurs abris et qu'ils considéraient comme des choses élémentaires, alors que les impériaux y voyaient des trésors de connaissance inestimables. Les Gardien de Ursia le comprirent très vite et mirent un frein sur ces échanges, car la connaissance était source de pouvoir pour eux. Néanmoins, Ursia contribua énormément à l'essor de l'Empire dans les domaines de la métallurgie et de la médecine par ce biais.
Une trentaine d'années plus tard, l'empire Rodéen est déchiré. Les Gardiens considèrent que si leurs sujets n'avaient pas dilapidé leurs connaissances à des étrangers le conflit n'aurait pas éclaté, ce qui n'est pas complètement faux. Ils décidèrent donc de couper les ponts avec le reste du continent, ceci également pour éviter des répercussions de la guerre sur leur territoire. Pour montrer l'exemple, les Klumpfs furent persécutés et traités en esclaves. Des Sangs-mêlés arrivèrent à dissimuler leurs origines en se mêlant à la population libre.
Dégagés de toute éthique, les alchimistes et généticiens de race humaines eurent le champ libre pour expérimenter certaines théories sur des cobayes Klumpfs, plus résistants que leurs cousins. Ils réussirent à isoler certains gènes intéressants pour ensuite les inculquer à d'autres sujets, et obtinrent des résultats aussi surprenants qu'instables. Comme il a été mentionné plus haut, les Gardiens veillaient à la conservation du savoir. Or ils conservaient ainsi religieusement et en secret certains ouvrages et autres documents de l'ère perdue, dont ils distillaient parcimonieusement le contenu afin de garder un certain pouvoir sur la population. Grâce à certains textes, ils aidèrent leurs chercheurs à améliorer leurs techniques et ainsi arriver à stabiliser les mutations génétiques. Néanmoins, de nombreux effets secondaires subsistaient, car même avant la Grande Catastrophe certains procédés complexes de la biochimie n'avaient pas été maitrisés.
Il fallut un siècle pour parvenir à des résultats exploitables. Le mélange improbable de l'endurance des Klumpfs, de la docilité des rats domestiques et de l'animosité des hommes-bêtes Tatanka dont certains spécimens avaient été capturés donna naissance aux Protecteurs. Ces êtres étranges, imberbes, au teint pâle et allergiques à la lumière du soleil, étaient capables de prouesses physiques impressionnantes. Néanmoins les premiers sujets étaient quasiment incontrôlables, et les Gardiens durent révéler le secret de la poudre noire afin de garantir la sécurité des scientifiques pendant leurs recherches.
Certains Klumpfs qui avaient pu s'échapper des camps de travail formèrent une résistance à l'aide de Sangs-mêlés libres. Ils publiaient des tracts illégaux, volaient du matériel et des vivres et menaient une existence précaire. Les privations subies par la population à cause du blocus commercial avec le reste du monde faisaient écho avec les revendications des résistants. Ils réussirent à prendre contact avec certains servants de laboratoire, et découvrirent ainsi les recherches menées sur leurs frères cobayes. Il n'en fallait pas plus pour qu'un vent de révolte souffle sur le pays. Grâce à la propagande de la résistance, la population humaine d'Ursia fut mise au courant, et bien qu'il y ait eu parmi eux des sceptiques et d'autres qui n'y voyait aucun mal, une partie se rangea aux côtés des Klumpfs.
Au début 1644, après un hiver des plus rudes, la population commençait à montrer des signes d'animosité envers les Gardiens. Coordonnés grâce aux résistants, les esclaves des différents camps décidèrent de cesser le travail et certains travailleurs libres se mirent en grève. Des affrontements avec les forces de police secouèrent les rues de la capitale, Kuglov. Une émeute sanglante poussa les Gardiens à réagir de façon musclée ; ils lâchèrent les Protecteurs dans la foule. Ce qui fut bien sûr une grave erreur car ces mutants qui jusqu'alors n'étaient qu'une rumeur furent enfin révélés au grand jour. Le calme revint pour un temps, mais la population était désormais unie face aux dirigeants.
Les servants de laboratoire réussirent à sortir en douce quelques fusils, qui furent très vite dupliqués et améliorés par les résistants et les ouvriers libres. Une opération commando menée par le Klumpf Vladimir Kemlin fut lancée contre le palais des Gardiens, en passant par des galeries souterraines datant de l'époque des abris. Les révolutionnaires contournèrent ainsi les Protecteurs sans grande effusion de sang. Les dirigeants furent obligés d'abdiquer. Un système de gouvernement provisoire fut mis en place afin d'éviter que le pays ne sombre dans le chaos de la guerre civile.
En fin d’année 1644, le pays était à nouveau uni, les différentes provinces furent ralliées au pouvoir central. Les derniers partisans des Gardiens furent abattus et mit des Protecteurs en catalepsie en vue de trouver un moyen de les maîtriser. La nation se rebaptisa CURSC, Coalition Ursienne des Républiques Sociales et Communes, et la capitale Kemlingrad. Le nouveau mot d'ordre était l'égalité entre les races et les classes et la suppression des privilèges individuels. Les recherches des généticiens ne furent cependant pas abandonnées et cette fois certains partisans fanatiques du nouveau pouvoir se dévouèrent à la patrie comme cobayes. Le commerce reprit avec le continent, mais les découvertes majeures des alchimistes restèrent secrètes.
La nation CURSC décida en 1671 de lancer l'opération Moisson Rouge, une campagne d'envergure afin d'étendre encore leur maîtrise sur les recherches génétiques. Ils envoyèrent sur tout le continent des groupes d'agents chargés d'étudier et de ramener du matériel génétique intéressant. Ces groupes travaillaient sous couverture diplomatique ou commerciale, et souvent étaient essentiellement composés de véritables marchands et diplomates. Leur mission consistait – et consistent toujours – à prélever des échantillons de tissus et autres substances sur des sujets intéressants, le plus discrètement possible. Parfois dans certains cas la force dû être employée et certaines personnes disparurent de la circulation sans laisser de trace. Heureusement pour les moissonneurs, personne n'a jusqu'à présent réussi à remonter jusqu'au CURSC ; les rares agents à s'être fait prendre se faisaient passer pour des criminels de bas étage ou des fous.
En 1702, grâce notamment au travail des moissonneurs, les généticiens mirent au point un moyen de contrôler la frénésie destructrice des Protecteurs. Un organe spécial est greffé à un individu sur son estomac. Celui-ci sécrète alors une substance appelée essence dyspepsique. Cette substance est transformée par un procédé alchimique, puis administré par injection au Protecteur. Celui-ci voue alors une loyauté indéfectible à son donneur, mais celui-ci se retrouve physiquement diminué à cause de la greffe. De plus, le lien psychique est brisé si les deux sujets s'éloignent trop l'un de l'autre, si l'injection de la substance n'est pas renouvelée ou si le protégé meurt. Dans ce cas, le Protecteur redevient incontrôlable et massacre tout ce qui se présente à sa portée jusqu'à ce qu'il meure à son tour, le manque d'essence dyspepsique lui étant fatal.
Les Protecteurs réapparurent donc. Afin de ne pas éveiller des craintes vis-à-vis des autres pays, les Urs les utilisèrent ouvertement comme bêtes de somme, ouvriers pour les tâches très difficiles et autres travaux qu'aucun homme ne pourrait accomplir sans une aide mécanique, mais jamais comme soldats. Il est devenu normal de voir ces colosses sans visage accompagner les gens du Nord, et personne n'a jamais tenté de s'y frotter. Ils restent cependant une énigme pour tout le monde, car les Urs refusent de révéler d'où ils viennent et pourquoi ils sont si serviles.
Au moment de l’Exposition Extraordinaire d’Aven – 1815 PGC
Les alchimistes Urs sont toujours avides de nouveaux patrimoines génétiques. Afin de parfaire leurs serviteurs et d’augmenter le champ de leurs expérimentations. Malheureusement pour eux, l’esclavage est assez mal vu dans les autres pays du continent, ils ne peuvent donc faire le commerce de la chair. Malgré cela, leurs médecins sont réputés et les transplantations d’organes deviennent de plus en plus sûres, offrant un commerce intéressant pour le CURSC. Néanmoins, le gouvernement a des vues sur Reinheim. En effet, ces vastes terres offrent beaucoup de matières premières, autant minières qu’humaines. Ainsi les agents Urs s’infiltrent dans la population et même le clergé afin de tenter une invasion douce du pays.
Il n’y a pas vraiment de mode vestimentaire en Ursia. Les gens s’habillent pratique, manteaux et toques de fourrure pour résister à la rudesse du climat. Les divers scientifiques gardent en permanence leur blouse de travail pour bien montrer à tout le monde leur rang important. La majorité des hommes et des Klumpfs portent la barbe.3
Le gouvernement est de type communiste totalitaire. Les différents représentants des corps de métier respectifs forment le parti dirigeant, qui élie à son tour les chefs du gouvernement.
Résumé – 1815 PGC
La Coalition Ursienne des Républiques Sociales et Communes est un pays froid et mystérieux, à l'image de ses habitants. A la suite de la révolution de 1644, l'ancien régime des castes fut mis à bas au profit d'un état communiste totalitaire. Ceci mit sur un pied d'égalité les humains et les Klumpfs, une race de mutants dévoués alors aux mines et aux travaux de terrassement, mais aussi plus solides que les hommes.
Les savants Urs se sont particulièrement intéressés à l'alchimie et à la génétique, ainsi le CURSC compte dans ses rangs les meilleurs médecins et biologistes du monde connu. On raconte qu'ils seraient capables de greffer des membres et des organes entiers, mais cette pratique est considérée comme illégale partout en Nebelwelt, car elle nécessite de prélever la matière première sur les cadavres.
Hormis les humains et les Klumpfs, une autre race plus énigmatique accompagne parfois les délégations officielles du Parti. Maigres, blafards, sans aucune pilosité apparente, ses êtres muets appelés « Sluga » portent en permanence des lunettes teintées et parfois des masques à gaz. Ils obéissent docilement à leurs maîtres et ne semblent curieusement pas bénéficier des égards d'égalité entre les races qui caractérisent le système politique du CURSC.
Propagande - 1815 PGC
Tous différents, mais tous frères. Nos camarades savants le redécouvrent chaque jour. Au sein du CURSC, les mystères de la terre et de la vie n'en sont bientôt plus. La mort même paraît un concept abstrait face à la détermination tout entière du peuple souverain.
La gloire de notre mère-patrie est notre but unique. L'argent trompeur ne peut rien face au sang des travailleurs. Nos recherches le prouvent, chacun à en lui une part de la clé du monde, et ce n'est qu'unis que nous pourrons en ouvrir la porte.
Les différences de chacun sont la force de notre pays, comme chaque humeur fait fonctionner un corps, comme les étoiles forment la beauté du ciel. Chaque homme et chaque Klumpf peut s'appuyer sur son voisin pour permettre aux républiques sociales et communes de marcher ensemble vers notre destin.
Nous avons été la mémoire du monde, nous en seront bientôt la pensée. Qui pourrait lutter contre l'inéluctable avancée sociale ?
Tous différents, mais tous frères !
De 1815 à 1839 dans la Coalition Ursienne des Républiques Sociales et Communes
Après les événements de l’Extraordinaire Exposition d’Aven, la médecine et la science en général avaient fait un bond en avant. La campagne de la « Moisson Rouge » - qui consistait à prélever des échantillons de tissus sur de très nombreux sujets pour l’avancée de la science - bien que révélée au public, commençait à porter ses fruits selon les dires du gouvernement CURSC. Dès 1820, ils accélérèrent leur développement et mirent en place des camps de travail, dans le secret le plus absolu. Dans ces camps, ils emmenaient des Tatankas ou autres explorateurs trop curieux afin de créer de l’armement et des technologies, d’extraire des ressources du sol ou alors de servir de cobayes scientifiques. C’est « grâce » à la disparition du Professeur Henry Charles Walton d’Aven en 1835 que 3 expéditions scientifiques furent montées à destination des Ruines de Kyf et que les camps CURSC furent révélés au grand jour. Obligé de faire un mea-culpainternational, le gouvernement annonça la fin des camps ainsi que la fin de la « Moisson Rouge ». D’ailleurs, à partir de 1836 et suite à la création de la République Libre de Sanotskaïa, le CURSC ne donna guère plus de nouvelles à la communauté internationale si ce n’est en 1837 pour annoncer la mise en place d’un nouveau gouvernement dénommé la Triade, mené par un Homme, un Klumpf et un Sluga. Ces derniers étant désormais reconnus comme une espèce humanoïde à part entière dans leur pays.